Symposium du 50ème anniversaire de Caritas Bénin


Communication de Denis Viénot

Ancien Président de Caritas Internationalis

Conseiller à la Direction internationale du Secours catholique

Cotonou, 14 novembre 2008


La personne humaine, comme partenaire incontournable de dialogue au cœur de tout dispositif d’aides 





Je dois d’abord vous remercier pour avoir l’honneur de représenter le Secours Catholique/Caritas France à cette célébration marquant les 50 ans de Caritas Bénin.

Le thème de réflexion de votre symposium qui m’a été alloué se formule ainsi : « La personne humaine, comme partenaire incontournable de dialogue au cœur de tout dispositif d’aides ».

Pour aborder cette question la réflexion ne peut pas être cartésienne. Il convient de cheminer plutôt que de démontrer. Cheminer entre des réalités : la personne dans son identité ; la personne dans sa relation à autrui, en dialogue ; dialogue, élément vital du partenariat comme est vital l’oxygène à la vie. Notre action de solidarité concerne des personnes prises dans leur identité propre mais appartenant à un groupe social n’ayant d’existence que parce qu’il y a dialogue entre ses membres ; action de solidarité que nous voulons charitable en référence au message évangélique qui ne peut concevoir les rapports entre individus que comme des rapports entre frères et sœurs. La relation de partenariat n’est pas pour nous une relation de type mécanique qui fonctionne bien ; la relation de partenariat est liée à notre humanité en Jésus-Christ.


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Dès 1964, les évêques du Bénin avaient publié une lettre pastorale : "Le chrétien au service de la Cité", dans laquelle ils écrivaient : « Il ne peut y avoir de véritable progrès sans la promotion des plus pauvres, et l'initiative de chacun, et en premier lieu de chaque chrétien, doit concou­rir au bien de tous ». Cette vision de 1964 est d’actualité aujourd’hui. Car le soutien mutuel entre nos deux Caritas se fonde sur la personne individuelle et plus particulièrement sur la personne blessée dans sa dignité afin de la mettre en relation, en dialogue avec d’autres pour la relever et lui permettre de retrouver les conditions de son développement dans son environnement naturel. Toute l’histoire de Caritas Bénin au cœur de l’Eglise béninoise, nous montre qu’elle a toujours encouragé et favorisé les initiatives prises par les Béninois pour devenir eux-mêmes les artisans de leur développement.

C'est ainsi que vous vous êtes efforcés de faire progresser la santé, l'hygiène, l'alimentation, l'alphabétisation, l'apprentissage des jeunes, la formation féminine, avec la création de foyers d'accueil, de centres de formation, de centres pour handicapés et tant d’autres réalisations. C'est par une telle attention à l'environnement naturel et culturel dans lequel baignent les populations, que Caritas a contribué à ce que la foi chrétienne n’apparaisse plus comme une importation de l'étranger, et surtout qu'elle a pu et peut se développer.


Promotion, développement, dialogue ont été les bases solides sur lesquelles Caritas Bénin a grandi. Feuilleter notre album photos commun, non par nostalgie mais plutôt comme on regarde une boussole, montre le chemin qui reste à faire.

Le Secours Catholique Dahoméen a été créé en 1958 à Cotonou. Il a d'abord cherché à s'implanter au niveau des paroisses afin de répondre à sa mission de service des plus pauvres ; son organisation et sa structuration se sont opérées progressivement par la suite.

Dès l'origine, les liens avec le Secours Catholique Français, faits d'estime et de confiance réciproques, ont été importants. Avec l'accession à l'indépendance en 1960, la délégation du Dahomey devint un Secours Catholique autonome. Un jeune prêtre, l'abbé Agboka, y prenait une part active et, en 1962, il venait en France pour un stage de quelques semaines au Secours Catholique où il décou­vrait, auprès de Nicole Rivet, les principes pédagogiques qui animent les micro-réalisations. Devenu évêque du nouveau diocèse d'Abomey en 1963, puis président de la Commission Sociale et Caritative de la Conférence Episcopale, il n'a depuis eu de cesse que les actions de promotion des plus démunis se développent et s'organisent, tant dans son diocèse que dans l'ensemble des diocèses du Bénin. J’ai eu la joie de le rencontrer à plusieurs reprises dont lors de ma visite chez lui au bord de la plage, près de la porte du retour, en 2002. Il a été l’un des hommes qui m’ont aidé à construire ma vison dans Caritas.

Très vite l’accent a été mis sur la formation à la fois professionnelle, humaine et spirituelle, ces trois aspects constituant un tout, formation de tout homme et de tout l'homme. Avec un choix privilégié pour la jeunesse féminine. Celle-ci, en effet, était souvent considérée comme en retard ; par exemple, en raison des mentalités, la scolarisation concernait davantage les garçons. Ceci explique l'intérêt porté au développement des Centres Féminins de Formation. La jeunesse masculine n'en fut pas pour autant laissée de côté, et des centres de formation ont été également mis en oeuvre à son intention.

Pour la jeunesse rurale, la Caritas Béninoise a choisi de développer des actions de formation dans le milieu même qui est le sien. Elles s'adressent principalement aux filles analphabètes. Toutes les possibilités locales sont utilisées et valorisées ; l'alphabétisation et l'éducation valorisent les langues locales et la culture traditionnelle, et non une langue et une culture importées.

Deuxième secteur privilégié par Caritas est celui de la santé. Liée à l'approvisionnement en eau, au développement agricole aussi bien qu'à la promotion féminine, la santé est souvent considérée par les populations comme la question primordiale d'où l'appel qu'elles font aux instances officielles, susceptibles de leur fournir les infirmiers ou matrones nécessaires.

Caritas Bénin a non seulement compris, mais a su surtout con­crètement mettre en pratique la nécessaire alliance entre le développement et la culture. Ainsi, l'introduction d'une technique nou­velle est précédée d'une analyse du contexte villageois, en même temps que d'une étude du savoir et du savoir-faire traditionnel en la matière. D'où la multiplication des petits centres villageois de promotion féminine. Leur ouverture est conditionnée par la demande claire et expli­cite de toute la communauté villageoise, afin que ce ne soit pas une action venant de l'extérieur, mais bien au contraire que sa source se trouve au plus profond des aspirations communes.

Cette photo rapide de votre histoire montre les racines du passé car sans elles, vous ne pourriez réaliser les actions d’aujourd’hui et réfléchir aux réalisations dont votre pays aura besoin demain.


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Chaque Caritas constitue une organisation nationale autonome, mais qui partage avec toutes les autres le même sens du service et de l’autopromotion des populations les plus pauvres ; ce réseau international des Caritas possède donc une éthique et des valeurs communes en même temps qu’une vision et une conception partagées du développement ; éthique, valeurs et vision du développement qui sont l’expression de la pastorale et de l’enseignement social de l’Église.

Parce que chaque Caritas partage les mêmes idéaux et types d’engagements, il est donc naturel que l’échange, le partage des expériences et l’entraide mutuelle soient au cœur de la relation entre elles et de la vie en réseau. Le partenariat est le fondement de la relation entre les membres du réseau Caritas.

Le mot partenariat est formé sur l’adjectif latin « par, paris » qui signifie égalité. En fonction même de son étymologie, le partenariat consiste en ce que toute relation d’alliance, d’union ou d’association s’établisse sur un pied d’égalité, partant du principe que “ chacun a autant à recevoir qu’à donner ”. Il ne peut ainsi y avoir celui qui sait, par rapport à celui qui ne sait pas, celui qui a, par rapport à celui qui n’a pas, celui qui donne, par rapport à celui qui reçoit. L’être humain, en tant qu’individu et en tant que groupe humain est au coeur du partenariat. Pas de partenariat sans dialogue donc sans écoute.

Pas d’aide imposée du Nord sur le Sud. C’est par l’écoute, le dialogue, la réciprocité - principes essentiels du partenariat - que l’aide peut se construire et se réaliser.

La démarche de partenariat, au sein du réseau des Caritas, privilégie donc le renforcement institutionnel des Caritas et leur accompagnement, afin que toutes puissent davantage se situer sur un même pied d’égalité.

L’appui institutionnel apporté ainsi par d’autres Caritas doit permettre à celles qui en sont bénéficiaires de pouvoir développer et renforcer leur réseau interne, tant au niveau national que régional et local. Le travail d’une Caritas - depuis l’analyse de la pauvreté jusqu’à l’évaluation et la capitalisation des actions - doit aussi pouvoir profiter à d’autres ; les principes de coresponsabilité et de réciprocité sont ainsi mis en actes.

En effet, pour le réseau Caritas, le partenariat ne saurait être lié à un simple transfert financier. Sans naïveté; il est difficile de vivre le partenariat quand des flux financiers entrent en jeu ; ainsi des questions légitimes apparaissent : comment surpasser la domination et la dépendance financière ? Comment agir et faire pour que les deux organisations qui se veulent partenaires se situent authentiquement sur un pied d’égalité, dans le respect mutuel et l’acceptation des différences ?

La relation de partenariat est un échange de savoirs, de pratiques et de techniques, à partir d’un projet et d’un engagement global commun : l’appui à l’autopromotion des populations les plus pauvres. Avec une attention particulière aux actions entreprises par les plus pauvres eux-mêmes ; faut-il alors savoir les reconnaître et les faire connaître !

L’appui ainsi apporté est donc un engagement mutuel dans le combat contre la pauvreté et la grande exclusion, un engagement vécu et mené au sein de chaque Caritas, mais aussi avec toutes les autres organisations qui s’efforcent de lutter dans le même sens. L’essence même de la promotion est la coopération.

Les membres du réseau Caritas partagent donc cette foi en l’homme, en ses possibilités et ses capacités, non seulement d’autopromotion, mais aussi de créativité sociale et d’innovation.

C’est pourquoi encore, la démarche de partenariat implique de favoriser et développer les processus d’indépendance, d’autonomie et de responsabilisation de tous les partenaires depuis la Caritas nationale jusqu’aux groupes et communautés à la base. Il y a donc un appui structurel et institutionnel à apporter pour que chaque Caritas ait les moyens de fonctionner et mener à bien la mission qui est la sienne ; l’appui à la formation et au renforcement des capacités et compétences des cadres et responsables y tient d’ailleurs une part essentielle.

Le partenariat tel que le conçoit et essaie de le vivre au quotidien le réseau Caritas est donc une démarche dynamique qui repose sur la concertation et sur les principes de réciprocité et de coresponsabilité dans l’ensemble des relations, y compris pour l’appui à un projet.

Pour le réseau Caritas, les actions concrètes de partenariat, notamment autour et à partir des projets, restent marquées par l’idée que, malgré les discours ambiants sur la mondialisation de l'économie et le tout libéralisme, il est possible d’agir pour une transformation de la société, notamment vers des formes d’organisation plus solidaires, communautaires et autogestionnaires. Dans le contexte général de plus en plus marqué par la mondialisation et ses effets, la réflexion se poursuit pour continuer à adapter et faire évoluer certaines pratiques, sans perdre de vue les options fondamentales et les réalités des groupes et communautés de base. C’est pourquoi la valorisation des différentes expériences de chacun est importante, permettant un enrichissement réciproque.

L’appartenance au réseau des Caritas est source d’enrichissement, mais aussi gage de fiabilité par rapport au déroulement et à l’exécution des projets. Chaque Caritas dispose en effet d’un réseau ramifié - dans le monde, plus de 3.000.000 de bénévoles à l’action et en responsabilité - ce qui permet un suivi concret et durable des différentes actions.

Vos actions de développement, de formation, de prévention illustrent ces processus. Un seul projet contient en lui-même tous les principes du partenariat. Il en est un bon exemple, parmi de multiples autres.

A la suite d’un travail d’éveil et d’éducation animé en Afrique occidentale par un ancien président de Caritas Bénin au service de la confédération, pendant 6 ans, le projet SEDEKON cofinancé par le Catholique Relief Services (CRS), le Secours Catholique Français (SCF), CAFOD, CARITAS BENIN, a été l'un des rares à s'occuper de la prise en charge des personnes vivant avec le VIH/SIDA au Bénin. Cette prise en charge s’étend aux domaines psychosocial, thérapeutique, économique et spirituel. Plusieurs champs ont été ciblés pour organiser les différentes actions : la formation, l'accompagnement et la prise en charge des séropositifs et de leurs familles avec un accent pour les orphelins et les enfants vulnérables.


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"Ceux qui ne sont pas des êtres de dialogue sont des fanatiques." écrit Jules Lacroix dans son roman Le sphinx. Le dialogue donne le droit à chacune des parties de s’exprimer librement, de faire des propositions, de dire non à des actions contraires à sa vision. C’est pourquoi un partenariat ne peut exister sans le dialogue car le partenariat n’est jamais acquis ; il est une construction dynamique, chaque jour remise en cause. C’est une démarche globale et dialectique, qui s’efforce de prendre en compte l’ensemble des contextes, l’ensemble des acteurs ainsi que leurs interactions.

Parce qu’il est une dynamique, le partenariat se différencie d’une démarche « fonctionnaliste » atomisant les réalités, s’axant sur les effets et sur des questions ponctuelles. Il reflète la forme avancée des relations entre membres du réseau des Caritas. Il est l’expression d’une réalité naturelle fondée sur le sens de la mission.

Le partenariat, pour lequel il n’y a pas de ‘‘recette miracle’’, repose néanmoins sur une éthique, ainsi que des valeurs communes et conduit à une conception partagée du développement et de la lutte contre la pauvreté.

La réalité du partenariat révèle que problèmes et contradictions sont encore loin d’être résolus. Il est donc chaque jour nécessaire et indispensable de remettre en cohérence les options fondatrices avec ses pratiques, en se fondant sur l’évaluation réciproque et la correction fraternelle. Le partenariat conduit à une remise en cause, à sortir des habitudes routinières pour innover au service des plus pauvres. Il est l’expression de l’enseignement social de l’Église et de la mission de diaconie confiée aux Caritas du monde. Car le partenariat a un fondement évangélique.

Le partenariat est aussi Sud - Sud. Caritas Bénin et ses équipes diocésaines ont su ainsi en 2005 contribuer à l’accueil des réfugiés togolais dans des camps à la frontière des deux pays que j’ai visités en août de cette année là.

Les organismes et associations qui font du développement sont nombreux. Ce qui fait la différence pour le réseau Caritas, c’est la foi chrétienne qui fait aspirer à une vision particulière de l'homme et du monde, et motive pour construire un monde nouveau, pour construire le Royaume dès maintenant.

Pour les fidèles de la Bible l’homme et la femme, comme personnes, sont à l'image de Dieu. Le dialogue est propre à l'homme. Il mène à la communion entre les êtres humains qui s'accomplit dans la communion avec Dieu. La personne, c’est l’homme ou la femme en tant que sujets raisonnables, libres, responsables, jouissant de leur intégrité et de leur dignité. Au-delà des différences et des réactions, la personne fait apparaître autrui comme son semblable dont la dignité, la liberté et l’égalité interdisent toute réduction à un moyen ou à un objet. C’est l’identité même de la personne qui se retrouve essentiellement dans sa relation à autrui, dans l’altérité.

Le Concile Vatican II exprime ce primat de la personne de façon claire : l’homme est la «seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même ». Monseigneur Jean Sleiman, l’Archevêque de Bagdad des Latins, lors d’une réunion de la région Moyen Orient et Nord de l’Afrique de Caritas Internationalis à Chypre en 2006, prenant en considération cette expérience anthropologique fondamentale du dialogue, cite Gaudium et Spes  n°23: « Parmi les principaux aspects du monde d’aujourd’hui, il faut compter la multiplication des relations entre les hommes que les progrès techniques actuels contribuent largement à développer. Toutefois le dialogue fraternel des hommes ne trouve pas son achèvement à ce niveau, mais plus profondément dans la communauté des personnes et celle-ci exige le respect réciproque de leur pleine dignité spirituelle. La Révélation chrétienne favorise puissamment l’essor de cette communion des personnes entre elles; en même temps elle nous conduit à une intelligence plus pénétrante des lois de la vie sociale, que le Créateur a inscrites dans la nature spirituelle et morale de l’homme».

Ces quelques lignes pourraient représenter un véritable programme d’action d’une Caritas qu’elle se situe au Sud ou au Nord.

Dans cette perspective, le dialogue est toujours à poursuivre. S’il est profond et sincère, il change les partenaires. Non pour tomber dans le relativisme, mais pour une compréhension meilleure de l’autre et pour une intelligence plus profonde de sa propre identité. Le partenariat comme une dynamique car dans un processus rien n’est jamais acquis.

La relation de partenariat ne s’établit donc pas sans difficultés. Certaines pratiques d’organisations financièrement puissantes peuvent soulever une sorte de malaise chez des ‘‘partenaires’’ du Sud. Entre organisations du Nord et organisations du Sud, et plus encore entre organisations catholiques, il faut être des “ partenaires ” au service des populations. Mais le partenariat présuppose qu'il y ait un intérêt mutuel à travailler ensemble. Si cette composante de base n'existe pas, il ne peut y avoir de partenariat viable. La question qu’en tant que membre du réseau des Caritas nous devons nous poser est celle de notre conscience - individuelle et collective - de l’intérêt mutuel, en référence aux fondements de notre mission et à la pastorale sociale.

On se demande souvent pourquoi le développement n'a pas atteint pleinement ses buts en Afrique. Parmi d'autres raisons, c’est certainement parce qu'on a imposé des modèles de développement, sans suffisamment tenir compte du destinataire, de sa société, de sa culture. Le développement est le fruit d'un processus technique et économique, mais aussi social et culturel, souvent spirituel.

Il y a bien là l’idée selon laquelle c’est par la reconnaissance des talents – au sens évangélique du terme – des personnes en difficulté, des pauvres, des victimes, que le progrès éclot. Il ne s’agit pas d’une logique qui pourrait se résumer en un « je te donne, tu t’en sors », mais d’une logique de réciprocité dans l’action autour de projets que l’on peut élaborer et conduire ensemble.


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Votre cinquantième anniversaire est aussi l’occasion de réfléchir à l’avenir de Caritas Bénin. Avenir que vous avez à construire ! Fort de notre mission commune et de ses principes de réalité, dont le partenariat fait partie, le Secours Catholique-Caritas France entend participer à cette construction en vous aidant au renforcement de la société civile, en appuyant l'émergence et le développement d'institutions locales et nationales durables au service des populations défavorisées et insérées dans leur environnement.

C’est pourquoi le programme DIRO – Développement institutionnel et renforcement organisationnel- est l’un de ceux qui paraissent porteur d’espoir et de nouveauté car il se fonde sur l'efficacité de l'aide, l'idée étant d'augmenter les effets de l'aide sur la réduction de la pauvreté, et sur le renforcement des capacités. Dans ce programme, il s’agit de permettre aux partenaires du Sud de trouver des appuis nécessaires à leur autonomisation et de favoriser le développement de nouvelles initiatives proprement locales. Il s'agit de créer par extension les socles d'un changement durable planifié, concerté et cohérent et ainsi de développer de nouveaux programmes inscrits dans les Objectifs de Développement du Millénaire et de la réduction de la pauvreté. Le processus DIRO dans lequel est engagée Caritas Bénin, est appelé à structurer des organisations et des communautés de base qui pourront davantage contribuer à une société plus juste et plus fraternelle. Cette expérience nouvelle est menée avec les Caritas de la République Centrafricaine, du Congo, du Mali et de Madagascar qui ont décidé, elles aussi de participer à cette dynamique depuis 2005. De nouvelles vont s’y adjoindre, Burkina Faso, Burundi, Côte d’Ivoire, Niger, République démocratique du Congo, Sénégal, Tchad.

Concrètement, l'objectif de ce programme est d'accompagner les Caritas à être reconnues comme des acteurs « moteurs » de leur société civile en étant des structures viables, pérennes, efficaces dans les programmes de lutte contre la pauvreté pour être aussi à même d'influencer les décideurs politiques de leurs pays respectifs. Ce partenariat nouveau permet de couvrir l'ensemble de la vie d'une Caritas : l'étude de l'organisation permettant l'élaboration d'un plan d'action cohérent et pertinent. Sans rentrer dans la méthodologie employée, ce mode d’organisation repose sur le transfert de compétences et de savoir-faire tout en favorisant la démultiplication des pratiques déjà mises en place. La mutualisation des acquis, la mise en réseau des partenaires et l'appui sous forme de conseil sont aussi des priorités pour mener à bien ce processus.

Au cours de cette première étape, le Secours Catholique et les coordinations nationales ont opté pour des actions de renforcement, répondant à des besoins immédiats et très concrets. La gestion des ressources humaines, la gestion administrative et financière, la gestion du cycle de projets et la bonne gouvernance ont été les principaux domaines d'intervention de cette première phase. Cela devrait permettre d'instaurer un climat de confiance entre les partenaires et de dialoguer ouvertement.

Plus largement, en deux ans, ce programme a su lancer une dynamique positive au sein du réseau Caritas en favorisant les échanges d'expériences dans la zone de l'Afrique de l'Ouest. Chaque Caritas a pris conscience de ses faiblesses et chacune d'elles, selon ses besoins, a relevé plusieurs défis afin d'améliorer s crédibilité, sa visibilité et son efficacité.

Les premiers résultats les plus probants concernent l'engagement du réseau Caritas dans la lutte contre les causes de la pauvreté - veille active sur la pauvreté et participation aux débats nationaux/internationaux - et la visibilité du réseau par le renforcement de la communication interne et externe. Caritas Bénin souhaitait se doter de moyens afin d'améliorer sa visibilité, sa comptabilité et ses capacités en matière de recherche de fonds. Au total, 7 missions ont été effectuées sur les deux ans : une mission d'accompagnement de l'auto diagnostic ; une mission concernant la gestion des ressources financières et l’implantation d’un nouveau logiciel de comptabilité au sein de la Caritas Nationale ; une mission de formation sur la gestion de ressources humaines et une autre sur le partenariat; deux missions complémentaires pour faire le point sur les formations reçues et analyser les recommandations ; et deux missions de suivi du Secours Catholique-Caritas France : l'une pour finaliser la contractualisation entre le Secours Catholique-Caritas France et Caritas Bénin afin de confirmer l'adhésion au processus DIRO, l'autre pour faire un bilan sur l'appui reçu.

Caritas Bénin s'est concentrée sur l'amélioration de sa communication, sur la diversification des sources de financement et sur son engagement dans la lutte contre les causes de la pauvreté via entre autres son adhésion et sa participation à la plateforme des ONG nationales. Le programme s'est révélé être efficace pour la structure nationale.

Pour les 3 ans à venir, certains défis restent à relever, notamment : consolider les acquis de Caritas Bénin, favoriser les échanges d'expériences et de compétences dans l'ensemble du réseau, sensibiliser les décideurs et les Caritas au niveau local et renforcer les compétences en matière de plaidoyer.


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Pour terminer, je voudrais vous dire combien après tant d’années passées au service de notre réseau de promotion de la charité, de la solidarité et de la justice, je suis persuadé qu’aider c’est aussi être aidé.

La lutte contre la pauvreté, l'engage­ment dans la charité créatrice -domaine du don, de l'amour, de la dignité de la personne -, dans la soli­darité - domaine du bien commun- et dans la justice - domaine du droit -constituent un travail sans lequel la mission de l'Eglise serait incomplète. Ce n'est pas un en plus ; c'est une com­posante de la foi : les pauvres sont pour l'Eglise une priorité enracinée dans l'Evangile.

Je ne crains pas de dire que pour Caritas comme le Secours catholique, si du fait de son partenariat avec Caritas Bénin, rien ne change dans sa manière de percevoir vos réalités, si rien ne change dans sa propre manière de s’organiser pour être plus et mieux au service de votre lutte contre la pauvreté, alors cette Caritas ne serait qu’un organe distributeur de bonus/malus. Un anniversaire est l’occasion de formuler un souhait : faites que jamais Caritas France ne soit un distributeur automatisé ; pour cela, n’ayez jamais peur de dire votre réalité.



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